BIZARRERIE

Vous avez dit "bizarre, bizarre"... 
Moi, j'ai dit "bizarre , bizarre", comme c'est étrange ! 
("Drôle de drame" de Marcel Carné)

 

 

 

Je me suis couchée tard et levée tout aussi tardivement. Je déjeune et en buvant mon café, je regarde sans sourciller le radiateur de la cuisine là, devant moi. Aucune pensée ne me traverse, je suis comme hébétée. Et voilà que mes yeux peinent à fixer l’image du radiateur qui commence à se déformer, à montrer des ondulations. L’appareil bouge et je ne parviens pas à stopper cette image farfelue que diffuse mon mental.

On dirait qu’il a été posé là. Mais est-il vraiment là devant moi ? C’est comme si je visionnais un film qui a perdu de sa vitesse de projection. Je me questionne : comment une simple vision perturbée par le manque de sommeil peut-elle mettre en lumière le mouvement des images intégrées dans mon monde ? Je comprends que sans l’espace collectif, la pensée émise collectivement, ce radiateur n’existerait pas à mes yeux. L’objet lui-même aurait quitté mon espace mental et ne pourrait plus se voir. Il parait ainsi n’être qu’une illusion, mais une illusion qui m’apporte toutefois un sentiment de confort en ce matin d’hivers.

Alors ce phénomène n’est-il qu’une simple manifestation due au manque de repos et à l’affabulation de mon cerveau qui ne perçoit plus le radiateur comme tel, et qui me transmet ses impressions déformées ? Comment mon mental me rapporte-t-il la perception du monde, de mon environnement quotidien ? Quel rôle joue-t-il dans ma vie ? Se poser de telles questions est perturbant. Mon cerveau est-il malade ? Les maladies mentales se situent toujours dans un espace d’incompréhension et la science n’en perçoit qu’une infime partie. Nous devrions les nommer telle une fluctuation qui altère la pensée collective reflétée par le mental humain et qui donc vient perturber son champ de vision, son champ émotionnel et ainsi l’image produite. Ce processus erroné corrompt le cerveau et le fonctionnement du corps, car le cerveau n’est pas le seul à souffrir de cette dégradation. 
Est-ce une bonne chose ? Pas vraiment car si l’homme n’a pas développé une conscience individuelle qui reconnaît l’impact de l’espace collectif sur ses perceptions du monde, alors il ne fera que divaguer dans un monde d’horreur, un espace sans lumière.

Comment est-on attaché à la conscience collective ? Et surtout comment s’en défaire ? Mais le veut on réellement ? Sommes-nous des globe-trotteurs de la conscience, prêts à prendre leurs sacs à dos et à parcourir l’univers seuls ? J’en doute. Bien que nous le souhaitons ardemment, nous sommes trop loin de la compréhension de notre vie pour abandonner tout ce qui la légitime depuis notre naissance. Et, notre cri de détresse à l’arrivée dans cet univers n’y change rien. Nos parents se sont réjouis de la venue de ce beau bébé que nous étions, tant de yeux admiratifs qui ont jeté au tout venant des vœux de bonheurs, de réussites, de joies, d’amour…. Tous les ans, nous répétons en cœur les mêmes souhaits, stupidement, nous attachant à l’égrégore de vie collective au fur et à mesure des jours qui passent. Et, notre volonté de partir rapidement de ces lieux où nous n’avons jamais voulu venir s’épuise à tirer inlassablement sur nos chaînes. Mais qui écoute un enfant qui vient de naître et qui porte tant de joie auprès des siens, ceux qui l’ont tellement désiré pour combler des vies vides au point de matérialiser ce chérubin dans la matière. Quel esprit s’est donc ainsi fait piéger ? Le mien, le vôtre certainement. En veut on à sa famille ? Comme nous, avant nous, ils ont reçu le même traitement, alors il doit y avoir une raison à cette manipulation de l’univers envers l’homme. 

L’univers ne connaît ni le bien, ni le mal. Se connaît-il lui-même ?  L’univers est un espace fini qui s’expanse en attirant et éloignant les formes en lui. Toute la matière est déjà existante et contenue en lui. Rien ne se retranche, rien ne se crée, le mouvement des formes construit de nouveaux assemblages. L’univers est un enfant qui joue aux Lego sans se soucier des vies qui participent à cette construction et à ce démantèlement perpétuel. Alors les formes de vie s’organisent dans des collectifs qui leur permettent de survivre. 

Chaque forme est une mini matrice qui soutient la matrice principale où l’univers est en gestation. Certaines l’alimentent transportant l’énergie nécessaire à sa survie à travers des filaments qui quadrillent l’espace. Un jour, demain peut-être, l’enfant naitra et la matrice se déchirera dans une explosion tel le big-bang, condamnant toutes les âmes confortablement installées dans le moule collectif de la conscience matricielle. Ne resterons que les âmes qui ne seront plus arrimées à la matrice universelle, détachées de toutes pensées partagées.

Les consciences individuelles seront libres de créer leur univers, d’enfanter leur progéniture pour la survie des mondes de la forme en dehors des mondes du sans-forme. Ah, une perspective si lointaine à l’échelle humaine, mais si proche à l’échelle de la vie de l’univers !

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